« Bonne chère avec peu d’argent ! »
HARPAGON
Dis-moi un peu, nous feras-tu bonne chère ?
MAÎTRE JACQUES
Oui, si vous me donnez bien de l’argent.
HARPAGON
Que diable toujours de l’argent ! Il semble qu’ils n’aient autre chose à dire, de l’argent, de l’argent, de l’argent. Ah ! ils n’ont que ce mot à la bouche, de l’argent. Toujours parler d’argent. Voilà leur épée de chevet, de l’argent.
VALÈRE
Je n’ai jamais vu de réponse plus impertinente que celle-là. Voilà une belle merveille, que de faire bonne chère avec bien de l’argent. C’est une chose la plus aisée du monde, et il n’y a si pauvre esprit qui n’en fît bien autant : mais pour agir en habile homme, il faut parler de faire bonne chère avec peu d’argent.
MAÎTRE JACQUES
Bonne chère avec peu d’argent !
VALÈRE
Oui.
MAÎTRE JACQUES
Par ma foi, Monsieur l’intendant, vous nous obligerez de nous faire voir ce secret, et de prendre mon office de cuisinier : aussi bien vous mêlez-vous céans d’être le factoton.
HARPAGON
Taisez-vous. Qu’est-ce qu’il nous faudra ?
MAÎTRE JACQUES
Voilà Monsieur votre intendant, qui vous fera bonne chère pour peu d’argent.
HARPAGON
Haye. Je veux que tu me répondes.
MAÎTRE JACQUES
Combien serez-vous de gens à table ?
HARPAGON
Nous serons huit ou dix ; mais il ne faut prendre que huit. Quand il y a à manger pour huit, il y en a bien pour dix.
Hachette et Cie (Paris), 1901
-
Lien permanent
ark:/12148/mmnvxdmr31st