Intérieurs de cocagne chez Rodolphe Bresdin






Bresdin a eu faim tout au long de sa vie. Peut-être faisait-il parfois un bon repas lorsque des amis l’invitaient, tel Justin Capin, qui fut longtemps son protecteur. Peut-être lui est-il arrivé de fréquenter l’auberge du père Ortet à Roquefort-sur-Garonne, que décrit Théophile Silvestre, s’il allait à la pêche avec ledit Silvestre et le peintre toulousain Garipuy, leur ami commun. Mais très généralement il mourait de faim, ce qui explique en partie ses tentatives potagères.
L’abondance des biens matériels dont nos sociétés occidentales jouissent aujourd’hui nous fait oublier que cette situation était le lot commun des basses classes d’autrefois. Malgré tout, il y a quelque chose de touchant à imaginer l’artiste famélique, s’imposant à lui-même le supplice de Tantale, dessinant ou gravant avec une délectation minutieuse des intérieurs surchargés de tout ce dont il pouvait rêver pour lui et pour les siens : chaleur du foyer où bout la marmite, jambons et saucissons suspendus aux solives, abondance de légumes.
Il ne faut évidemment pas chercher dans ces représentations de véritable réalisme : il y a autant de Van Ostade, de Dusart ou d’invention bresdinesque que d’observation de lieux existants, même si certains objets sont, eux, identifiables. Toutefois, il n’est pas impossible que l’accumulation des enfants (Bresdin en a eu cinq autour de lui) et leur cohabitation avec poules, canards, chiens, chats et lapins dans un espace réduit, correspondent avec l’ambiance dans laquelle Bresdin devait travailler.
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La Lecture à la fenêtre
Deux personnages barbus et coiffés d'un bonnet (des ermites ?), dans un intérieur. Celui de gauche est assis à une table et lit à la lumière d'une petite fenêtre cintrée, à travers laquelle on aperçoit le visage d'un personnage ; le deuxième est assis à droite, les mains jointes. Il y a des outils accrochés aux murs.
Bibliothèque nationale de France
Intérieur de paysans
Plusieurs hommes (à gauche, l'un deux tient une scie à refendre), la plupart coiffés de chapeaux, et une femme (qui semble filer) travaillent dans un intérieur. Il y a un lit à rideaux au fond à gauche et, vers la droite, la silhouette d'un homme s'encadre dans une porte ouverte.
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Intérieur flamand
Scène d'intérieur. Vers la droite, une femme est assise sur un tabouret, deux enfants se pressant contre ses genoux ; un petit chien est assis à ses pieds ; derrière le groupe, un homme se tient debout près d'une chaise paillée, une pipe à la main. Au fond à droite, une cheminée, avec deux marmites dans l'âtre fumant, dont le dessus supporte divers objets de curiosité et dont le manteau est orné d'une image représentant Suzanne et le vieillard, autour de laquelle sèchent des grappes de raisin, oignons et autes aulx, ainsi que des pipes dans leur râteliers. Au fond à gauche, le lit, au-dessus duquel, de part et d'autre d'une lucarne, on voit deux images : à gauche, un barbu chauve qui peut aussi bien être un apôtre, saint Joseph ou l'autoportrait de Bresdin ; à droite une Vierge à l'Enfant. Sous le lit, un pot de chambre et un trotte-bébé. Aux poutres du plafond pendent des jambons, saucissons et autres charcutailles. Au premier plan à gauche, sur le sol, des choux, navets, salsifis et autres légumes, auxquels s'intéressent deux lapins ; enter les lapins et la chaise, quatre chats ; entre les pots reposant sur l'étagère à gauche de la cheminée, un couple de souris. L'influence de Van Ostade est incontestable.
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Intérieur de paysans de la Haute-Garonne
Dans l'âtre, deux femmes, chacune d'un côté du chaudron fumant. Devant, à gauche sur une chaise, un nourisson dans les bras, un femme, avec une petite fille à côté d'elle ; de l'autre côté du foyer, assis sur un panier renversé, un homme, une petite fille à son côté, et par terre un enfant en bas âge. À gauche de la cheminée, un vinaigrier. Sur la tablette de la cheminée sont accumulés des pots et des objets divers, parmis lesquels une lampe à huile à double réservoir. Des solives pendent jambons, poissons, bottes d'aulx et d'oignons. Sur la hotte pointue de la cheminée, où est collée une image de la Vierge à l'Enfant, diverses inscriptions.
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Intérieur moldave
Dans un espace très semblable à celui de l'Intérieur de paysans de la Haute-Garonne figurent de nombreux personnages, hommes, femmes et enfant, debout ou attablés, assis par terre pour les enfants. Au fond, une porte est ouverte sur un paysage rocheux avec une église. Sur la tablette de la cheminée sont posés divers objets, dont un versoir à l'huile à double réservoir déjà rencontrée dans l'estampe précédente. Aux poutres du plafond sont suspendus jambons et saucissons, ainsi que des garde-manger qui ressemblent à des cages pour oiseaux.
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Intérieur paysan à la chaste Suzanne
En bas à droite, une femme en costume du 17e siècle ou du 18e siècle est assise sur une chaise, trois enfants auprès d'elle. À droite encore est assis un homme barbu, une pipe à son chapeau. À gauche de ce groupe, un homme est debout, fumant la pipe. Derrière, une cheminée dont l'âtre, devant lequel sèchent des serviettes, est orné d'un tissu à carraeux vichy. Sur le dessus de cheminée, divers objets, dont un chandelier à crémaillère, un mortier et des céramiques d'ornement. Sur la hotte sont accrochées une grande image représentant Suzanne et les vieillards et une petite représentant Saint Joseph et l'Enfant Jésus, au-dessus d'un râtelier garni de pipes. La hotte est encadrée d'étagères portant divers pots, de grappes de raisin et de festons de fruits. Aux solives du plafond sont suspendus des jambons et des saucissons, ainsi qu'un plateau chargé de terrines. Sur la auche se creuse une alcôve avec un lit défait, à peine éclairé par une fenêtre apparement faite de papier huilé sur plombs. Au premier plan à gauche, un chien est assoupi sur une chaise basse paillée, tandis qu'à terre sont cinq chats (un gros et quatre petits), l'angle étant occupé par un lapin blanc, les pattes dans une assiette, et le bas de l'image étant chargé de raves et de petit bois.
Ce dessin très achevé est une variation sur l'Intérieur flamand gravé à l'eau-forte en 1856.
Bibliothèque nationale de France
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