Les Œuvres de François Rabelais
























Depuis le collège, Gustave Doré s'intéresse à l'œuvre de Rabelais. À l'âge de 21 ans, il sollicite la commande des Œuvres de François Rabelais. L'ouvrage, illustré de 104 dessins et 14 planches hors-texte, paraît en 1854. Grand succès populaire, il attire l'attention du public sur le jeune Doré, lui ouvrant la voie d'une brillante carrière d'illustateur, alors qu'il n'est connu que comme caricaturiste. En 1868, Doré souhaite à nouveau se confronter à Gargantua et Pantagruel. Il exécute 550 nouvelles planches pour une édition de luxe de Rabelais, publiée chez Garnier frères en 1873. Si la première édition, publication à bon marché, s'inscrit dans une tradition du livre romantique à vignettes, la seconde est plus ambitieuse par le nombre des illustrations mais aussi par leur format (60 planches hors-texte sur 718 illustrations). Perfectionniste à l'extrême, Doré choisit lui-même les graveurs à qui il désire confier ses différents dessins. Oscillant entre comique et grotesque, l'illustrateur joue sur les ruptures d'échelles liées à la taille des héros rabelaisiens, se complaît dans le foisonnement des détails pittoresques dans un univers médiéval aux fortes tonalités fantastiques.
La vie très horrieicque du grand Gargantua père de Pantagruel
« Amis lecteurs qui lisez ce livre,
Dépouillez-vous de tout tourment ;
Et, le lisant, ne soyez pas scandalisés ;
Il ne contient ni mal ni infection.
Il est vrai qu’ici vous apprendrez
Peu de perfection, sinon en matière de rire ;
Mon cœur ne peut élire d’autre sujet,
Voyant la douleur qui vous mine et vous consume.
Mieux vaut traiter du rire que des larmes,
Parce que rire est le propre de l’homme. »
(Traduction en français moderne)
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« Finablement arrivarent à Paris. »
« Finablement arrivarent à Paris : onquel lieu se refraischit deux ou trois jours, faisant chère lit avecques ses gents, et s’enquestant quels gents sçavants estoient pour lors en la ville, et quel vin on y buvoit. »
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« Il feit crier par son pays ban et arrièreban, et que un chascun, sus peine de la hart, convinst en armes en la grand’ place du chasteau. »
« Lequel incontinent entra en courroux furieux, et sans plus oultre se interroguer quoi ni comment, feit crier par son pays ban et arrièreban, et que un chascun, sus peine de la hart, convinst en armes en la grand’place du chasteau, à heure de midi. Pour mieulx confirmer son entreprise, envoya sonner le tambourin à l’entour de la ville ; lui mesme, cependant qu’on apprestoit son disner, alla faire affuster son artillerie, desployer son enseigne et oriflan, et charger force munitions, tant de harnois d’armes que de geule. »
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« Ma tant bonne femme est morte, qui était la plus ceci, la plus cela qui fût au monde... Et soudain pleurait comme une vache. »
« Plorerai-je ? disoit-il, oui : car, pourquoi ? Ma tant bonne femme est morte, qui estoit la plus ceci, la plus cela, qui fust au monde. Jamais je ne la voirrai, jamais je n’en recouvrerai une telle : ce m’est une perte inestimable ! O mon Dieu, que t’avois-je faict pour ainsi me punir ? Que n’envoyas-tu la mort à moi premier qu’à elle ? car vivre sans elle ne m’est que languir. Ha Badebec, ma mignonne, m’amie, mon petit c.. (toutesfois elle en avoit bien trois arpents et deux sexterées), ma tendrette, ma braguette, ma savate, ma pantoufle, jamais je ne te voirrai. Ha, pauvre Pantagruel, tu as perdu ta bonne mère, ta doulce nourrice, ta dame très aimée. Ha, faulse mort, tant tu m’es malivole, tant tu m’es oultrageuse de me tollir celle à laquelle immortalité appartenoit de droict.
Et ce disant, ploroit comme une vache ; mais tout soubdain rioit comme un veau, quand Pantagruel lui venoit en mémoire. »
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« L’ange malin et séducteur au commencement réjouit l’homme. »
« Comme si le père de famille estant à table opulente, en bon appétit au commencement de son repas, on voyait en sursault espouventé soi lever. Qui n’en scauroit la cause, s’en pourroit esbahir. Mais quoi ? Il avoit ouï ses serviteurs crier au feu : ses servantes crier au larron : ses enfants crier au meurtre. Là falloit, le repas laissé, accourrir pour y remédier et donner ordre. Vraiement je me recorde que les cabalistes et massorets interprètes des sacrées lettres, exposants en quoi l’on pourroit par discrétion cognoistre la vérité des apparitions angéliques (car souvent l’ange de Satan se transfigure en ange de lumière), disent la différence de ces deux estre en ce que l’ange bening et consolateur, apparoissant à l’homme, l’espouvente au commencement, le console en la fin, le rend content et satisfaict ; l’ange maling et séducteur au commencement resjouit l’homme, en fin le laisse perturbé, fasché et perplex. »
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« Sucçants bien fort les bourses des parties, engendrent à leur procès, têtes, pieds, gryphes, becs, dents, etc. »
« Comme vous aultres, messieurs, semblablement les sergents, huissiers, appariteurs, chiquaneurs, procureurs, commissaires, advocats, enquesteurs, tabellions, notaires, grephiers et juges pédanées, de quibus tit. Est lib. 3. C. sucçants bien fort, et continuellement, les bourses des parties, engendrent à leur procès, têtes, pieds, gryphes, becs, dents, mains, vènes, artères, nerfs, muscles, humeurs. »
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« Se transporte à Chinon, ville antique, voire première du monde. »
« Ainsi s’en va prélassant par le pays, faisant bonne trogne parmi les parochiens et voisins en leur disant le petit mot de Patelin : "En ai-je ? " Au lendemain, vestu d’une sequenie blanche, charge sur son dos les deux prétieuses coingnées, se transporte à Chinon, ville insigne, ville noble, ville antique, voire première du monde, selon le jugement et assertion des plus doctes massorets. »
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« Ils la nommoient Manduce. C’estoit une effigie monstrueuse, ridicule. »
« Ainsi virent devers messer Gaster, suivants un gras, jeune, puissant ventru, lequel, sus un long baston bien doré, portoit une statue de bois mal taillée et lourdement paincte, telle que la descripvent Plaute, Juvenal et Pomp. Festus. A Lyon, au carneval, on l’appelle Masche-croute : ils la nommoient Manduce. C’estoit une effigie monstrueuse, ridicule, hideuse, et terrible aux petits enfants, ayant les œuils plus grands que le ventre, et la teste plus grosse que tout le reste du corps, avecques amples, larges et horrifiques maschoires bien endentelées, tant au dessus comme au dessoubs, lesquelles, avecques l’engin d’une petite chorde cachée dedans le bastion doré, l’on faisoit l’une contre l’autre terrifiquement cliqueter, comme à Metz l’on faict du dragon du sainct Clement. »
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« Au son de la bourse commencearent touts les Chats-fourrés jouer des gryphes, comme si fussent violons desmanchés. »
« Panurge, ces mots achevés, jecta au milieu du parquet une grosse bourse de cuir pleine d’escuts au soleil. Au son de la bourse commencearent touts les Chats-fourrés jouer des gryphes, comme si fussent violons desmanchés. Et touts s’écriarent à haulte voix, disants : « Ce sont les espices : le procès fut bien bon, bien friand et bien espicé. Ils sont gens de bien. – C’est Midas, c’est or, dist Panurge : je dis escuts au soleil. – La court, dist Grippeminaud, l’entend ; or bien, or bien, or bien. Allez, enfants, or bien ; et passez oultre, or bien ; nous ne sommes tant diables, or bien, que nous sommes noirs, or bien.» »
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« Ce sont les plus rébarbatifs villains, à les voir, que j’aie jamais apperçeu. »
« De là, pour nous mener par mille petits pressoirs, en sortant nous advisasmes un aultre petit bureau, à l’entour duquel estoient quatre ou cinq de ces ignorants, crasseaun et cholères comme asnes à qui l’on attache une fusée aulx fesses, qui, sus un petit pressoir qu’ils avoient là, repassoient encores le marc des grappes après les aultres : l’on les appelloit en language du pays correcteurs. Ce sont les plus rébarbatifs villains, à les voir, que j’aie jamais apperçeu. »
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« Les hespailliers de la nauf lanternière amenerent le Physetere lié en terre de l’isle prochaine… »
« Les hespailliers de la nauf lanternière amenerent le Physetere lié en terre de l’isle prochaine, dicte Farouche, pour en faire anatomie, & recuillir la gresse des roignons : laquelle disoient estre fort utile & necessaire à la guerison de certaine maladie qu’ilz nommoient faulte d’argent. Pantagruel n’en tint compte, car aultres assez pareilz, voire encores plus enormes, avoit veu en l’océan Gallicque. Condescendit toutesfois descendre en l’isle Farouche, pour seicher & refraichir aucuns de ses gens mouillés & souillés par le villain Physetere, à un petit port desert vers le midy situé lez une touche de bois haulte, belle & plaisante, de laquelle sortoit un delicieux ruisseau d’eau douce, claire & argentine. Là, dessous belles tentes furent les cuisines dressées, sans espargne de bois. Chascun mué de vestemens à son plaisir, fut par frere Jean la campanelle sonnée. Au son d’icelle furent les tables dressées & promptement servies. »
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« Et fut veu de tout le monde en grande admiration… »
« Quelques jours après, qu’ilz se furent refraichis, il visita la ville, & fut veu de tout le monde en grande admiration. Car le peuple de Paris est tant sot, tant badaut, & tant inepte de nature, qu’un basteleur, un porteur de rogatons, un mulet avec ses cymbales, un vielleux au milieu d’un carrefour assemblera plus de gens que ne feroit un bon prescheur evangelique. Et tant molestement le poursuivirent qu’il fut containct soy reposer sus les tours de l’eglise Nostre Dame. Auquel lieu estant, & voyant tant de gens à l’entour de soy, dist clairement : « Je croy que ces marroufles veulent que je leur paye icy ma venue & mon proficiat. C’est raison. Je vais leur donner le vin ; mais ce sera par rys. » « Lors, en soubriant, destacha sa belle braguette, &, tirant sa mentule en l’air, les compissa si aigrement qu’il en noya deux cens soixante mille quatre cens dix & huit, sans les femmes & les petits enfans. »
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Gargantua de François Rabelais
Gargantua est un bon géant au service du roi Arthur, mais c’est aussi un personnage qui a soif d’apprendre et de créer selon des principes humanistes. Publié par François Rabelais (1494 ? -1553) en 1534, Gargantua est le deuxième tome d’une œuvre qui en compte quatre : Pantagruel (1532), Le Tiers Livre (1546) et Le Quart Livre (1552).
Inspiré des contes et de la culture orale, Gargantua se démarque de Pantagruel par la place donnée à la pensée humaniste, comme l’éducation ou le bon droit, censés remplacer la barbarie médiévale.
François Rabelais est d’abord moine franciscain, il s’intéresse à la culture grecque. Abandonnant la vie monacale, il devient ensuite prêtre séculier, voyage en France, étudie le droit puis la médecine. Il est connu pour être un bon vivant, sa langue très imagée suscite le rire, et il a été parfois accusé d’obscénité. Mais Rabelais est surtout un esprit libre, défenseur de la tolérance et de l’accès au savoir.
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« Je mors, je rue, je frappe, j’attrape…. »
« – Baste, dist Picrochole, passons oultre. Je ne crains que ces diables de legions de Grandgousier : ce pendant que nous sommes en Mesopotamie, s’ilz nous donnoient sus la queue, quel remede ? – Très bon, dist Merdaille, une belle petite commission, laquelle vous envoiez aux Moscovites, vous mettra en camp pour un moment quatre cens cinquante mille combattans d’eslite. O, si vous m’y faites vostre lieutenant, je tuerois un pigne pour un mercier ! Je mors, je rue, je frappe, j’attrape, je tue, je renie. – Sus, sus, dist Picrochole, qu’on depesche tout & qui m’aime me suive. »
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Comment Gargantua mangea en salade six pèlerins
« Gargantua se trouva quelque peu altéré, & demanda si l’on pourroit trouver des lectues pour faire une sallade. Et, entendant qu’il y en avoit des plus belles & grandes du pays, car elles estoient grandes comme pruniers ou noyers, y voulut aller luy mesmes, & en emporta en sa main ce que bon luy sembla ; ensemble emporta les six pelerins, lesquelz avoient si grand peur, qu’ilz n’osaient ny parler ny tousser.
Les lavant donc premièrement en la fontaine, les pelerins disoient en voix basse l’un à l’aultre : " Qu’est il de faire ? nous noyons ici entre ces lectues ; parlerons nous ? mais, si nous parlons, il nous tuera comme espies." Et, comme ilz deliberoient ainsi, Gargantua les mit avec ses lectues dedans un plat de la maison, grand comme la tonne de Cisteaux ; &, avec huile & vinaigre & sel, les mangeoit pour soy refraischir davant souper : & avoir ja engoullé cinq des pelerins ; le sixiesme estoit dedans le plat, caché sous une lectue, excepté son bourdon qui apparoissoit au dessus. Lequel voyant Grandgousier, dist à Gargantua : "Je croy que c’est là une corne de limasson, ne le mangez poinct. – Pourquoy ? dist Gargantua, ilz sont bon tout ce mois". Et, tirant le bourdon, ensemble enleva le pellerin & le mangeoit très bien. Puis beut un horrible traict de vin pineau, en attendant que l’on apprestast le souper. »
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« A chascun de ses repas, il humoit le laict de quatre mille six cent vaches. »
« C’estoit chose difficile à croire comment il creut en corps & en force en peu de temps. Et n’estoit rien de Hercules, qui estant au berceau tua les deux serpens : car lesdicts serpens estoient bien petits & fragiles.
Mais Pantagruel, estant encores au berceau, fit cas bien espouventables. Je laisse icy à dire comment, à chascun de ses repas, il humoit le laict de quatre mille six cent vaches ; & comment pour luy faire un paeslon à cuire sa bouillie, furent occupés tous les paesliers de Saumur en Anjou, de Villedieu en Normandie, de Bramont en Lorraine : & luy brailloit on ladicte bouillie en un grand tymbre qui est encores de present à Bourges, près du palais : mais les dents luy estoient desja tant crues & fortifiées qu’il en rompit dudict tymbre un grand morceau, comme très bien apparoist. »
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« Ce faict, vint à Paris. »
« Ce faict, vint à Paris avec ses gens. Et, à son entrée, tout le monde sortit hors pour le voir, comme vous sçavez bien que le peuple de Paris maillotinier est sot par nature, par bequarre et par bémol ; & le regardoient en grand esbahissement, & non sans grande peur qu’il n’emportast le Palais ailleurs, en quelque pays a remotis, comme son pere avoit emporté les campanes de Nostre Dame, pour attacher au col de sa jument. Et, après quelque espace de temps qu’il y eut demouré, & fort bien estudié en tous les sept ars liberaux, il disoit que c’estoit une bonne ville pour vivre, mais non pour mourir ; car les guenaulx de Sainct Innocent se chauffoient le cul des ossemens des mors. »
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Le physetere
« Alors Pantagruel, considerant l’occasion & necessité, desploye ses bras, & monstre ce qu’il sçavoit faire. […]
Le noble Pantagruel en l’art de jetter & darder estoit sans comparaison plus admirable. Car avec ses horribles piles & dards (lesquelz proprement ressembloient aux grosses poultres sus lesquelles sont les ponts de Nantes, Saulmur, Bregerac, & à Paris les ponts au change & aux meusniers soustenuz, en longueur, grosseur, pesanteur & ferrure) de mille pas loing il ouvroit les huytres en escalle sans toucher les bords ; il esmouchoit une bougie sans l’esteindre, frappoit les pies par l’œil, dessemeloit les bottes sans les endommager, deffourroit les barbutes sans rien gaster ; tournoit les feuillets du breviaire de frere Jean l’un après l’autre sans rien dessirer.
Avec telz dards, desquelz estoit grande munition dedans sa nauf, au premier coup il enferra le Physetere sus le front, de mode qu’il lui transperça les deux machouoires & la langue, si que plus ne ouvrit la gueule, plus ne puisa, plus ne jetta eau. Au second coup il luy creva l’œil droit. Au troisième, l’œil gauche. »
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Les nobles cuisiniers gaillards
« Dedans la truye entrerent ces nobles cuisiniers gaillards, gallans, brusquetz & prompts au combat. Frere Jean avec son grand badelaire entre le dernier & ferme les portes à ressort par le dedans. »
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Le manoir de Areté
« En iceluy jour, Pantagruel descendit en une isle admirable entre toutes aultres, tant il cause de l’assiette, que du gouverneur d’icelle. Elle de tous coustés pour le commencement estoit scabreuse, pierreuse, montueuse, infertile, mal plaisante à l’œil, très difficile aux pieds, & peu moins inaccessible que le mons du Daulphiné, ainsi dict pource qu’il est en forme d’un potiron, & de toute memoire personne surmonter ne l’a peu, fors Doyac, conducteur de l’artillerie du roy Charles huitiesme, lequel avec engins mirifiques y monta, & au dessus trouva un vieil belier. C’estoit à diviner qui là transporté l’avoit. Aucuns le dirent, estant jeune aignelet, par quelque aigle ou duc chauant là ravy, s’estre entre les buissons saulvé. Surmontans la difficulté de l’entrée à peine bien grande & non sans suer, trouvasmes le dessus du mons tant plaisant, tant fertile, tant salubre & delicieux, que je pensois estre le vray jardin & paradis terrestre : de la situation duquel tant disputent & labourent les bons théologiens. Mais Pantagruel nous affermait là estre le manoir de Areté (c’est vertu) par Hesiode descript, sans toutesfois prejudice de plus saine opinion. »
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« Le bombardier comparut. »
« Voulez vous bien rire ? Faites mettre le fèu en ce basilic que voyez près le chasteau guaillard. Ce sera pour saluer les muses de cestuy mons Antiparnasse. Aussi bien se guaste la pouldre dedans. – C’est bien dict, respondit Pantagruel. Faites moy icy le maistre bombardier venir. »
Le bombardier promptement comparut. Pantagruel luy commanda mettre feu on basilic & de fraiches pouldres en tout evenement le recharger. Ce que fut sus l’instant faict. Les bombardiers des aultres naufz, ramberges, guallions & gualeaces du convoy, au premier deschargement du basilic qui estoit en la nauf de Pantagruel, mirent pareillement feu chascun en une de leurs grosses pièces chargées. Croyez qu’il y eut beau tintamarre. »
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Les oiseaux enfumés
« Panurge sonna, & soudain accoururent ces oiseaux enfumes, & chantoient ensemblement ; mais ils avoient les voix rauques et malplaisantes. Aussi nous remonstra Aeditue qu’ils ne vivoient que de poisson, comme les herons & cormorans du monde, & que c’estoit une quinte espece de cagaux imprimés nouvellement. Adjousta davantage, qu’il avoit eu advertissement par Robert Valbringue, qui par là, nagueres, estoit passé en revenant du pays d’Afrique, que bientost y devoit avoler une sexte espece, lesquels il nommoit Capucingaux, plus tristes, plus maniaques & plus fascheux qu’espece qui fust en toute l’isle. " Afrique, dist Pantagruel, est coustumière tousjours choses produire nouvelles & monstrueuses." »
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« Par la mort bœuf, je meurs de male peur. »
« Descendans ces degrés numereux sous terre, nous furent bien besoin premièrement nos jambes, car sans icelles ne descendions qu’en roullant comme tonneaux en cale : secondement nostre preclare lanterne, car en ceste descente ne nous apparoissoit autre lumière non plus que si nous fussions au trou de sainct Patrice en Hibernie, ou en la fosse de Trophonius en Béotie. Descendus environ septante & huit degrés, s’escria Panurge, addressant sa parole à nostre luysante lanterne : « Dame mirifique, je vous prie de cœur contrit, retournons arrière. Par la mort bœuf, je meurs de male peur. Je consens jamais ne me marier. Vous avez prins de peine & fatigues beaucoup pour moy ; Dieu vous le rendra en son grand rendouer ; je n’en seray ingrat issant hors ceste caverne de Troglodytes. Retournons de grace. Je doute fort que soit icy Tenare, par lequel on descend en enfer, & me semble que j’oy Cerberus abbayant. »
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La dive bouteille
« La dive bouteille. O bouteille / Pleine toute / De mysteres, / D’une oreille / Je t’escoute ; / Ne differes, / Et le mot proferes / Auquel pend mon cœur. »
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Valérie Sueur, conservatrice en chef au département des Estampes et de la photographie de la BnF
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