Choderlos de Laclos, l’artilleur écrivain

Photo © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Franck Raux
Pierre-Ambroise-François Choderlos de Laclos
Photo © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Franck Raux

Michel Delon parle de Choderlos de Laclos
Une vie de garnison

Air d’Ernestine
Partition de l’air d’Ernestine, extrait de l’opéra-comique Ernestine de Choderlos de Laclos sur une musique du chevalier de Saint-Georges. L’œuvre est un échec : elle connaît une unique représentation le 19 juillet 1777, devant la reine Marie-Antoinette.
Bibliothèque nationale de France
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Sa vie de garnison le fait beaucoup voyager et lui permet de trouver çà et là l’inspiration de ses créations futures. Ce quotidien est cependant bien loin de ses rêves de conquête et de gloire, et Laclos commence à écrire pour tromper l’ennui. Ses premières pièces, en vers, sont publiées dans l’Almanach des Muses ; il écrit ensuite un opéra-comique, Ernestine, qui ne rencontrera pas un grand succès : il sera représenté une seule fois, le 19 juillet 1777, devant la reine Marie-Antoinette. Laclos continue à écrire, très influencé par les idées de Jean-Jacques Rousseau dont il admire par-dessus tout La Nouvelle Héloïse – « le plus beaux des ouvrages produits sous le titre de roman ».
Un succès de scandale

La marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont
Le roman épistolaire « scandaleux » des Liaisons dangereuses s’inscrit dans la tradition du 18e siècle de la fiction des lettres et mémoires retrouvés. Sous le double jeu de Merteuil et de Valmont, derniers rejets de cette société trop policée de la fin de l’Ancien Régime, s’ourdit le piège infernal dans lequel eux-mêmes tomberont inéluctablement, par une construction dramatique savante. La correspondance croisée des personnages crée la troublante ambiguïté du roman : apologie du libertinage ou peinture d’un sentimentalisme à la Rousseau.
Le victomte de Valmont et la marquise de Merteuil forment un couple libertin, tant au sens des conquêtes amoureuses et de la débauche, qu’au sens de libre penseur, déniant l’existence de Dieu et refusant les conventions sociales.
Bibliothèque nationale de France
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Au-delà, et plus largement, c’est le pouvoir, la relation entre la raison et les sentiments qui, inscrits dans le contexte intellectuel et social des Lumières, provoquent des réactions contrastées chez les lecteurs, entre effroi et fascination. La conquête du savoir est au cœur des interrogations des Liaisons dangereuses, comme la question de la morale, la place des femmes et le rôle de leur éducation – Cécile Volanges est une proie facile car le couvent ne lui a pas donné les armes pour se défendre, la marquise de Merteuil à l’inverse s’est forgée par ses lectures et son envie d’apprendre. Cette réflexion sur la place des femmes apparaît comme un écho à l’admiration de Laclos pour Rousseau.
Tourbillons politiques
En 1784, un fils est né de l’union de Laclos avec Marie-Soulange Duperré, qu’il épousera en 1786. Lors de la Révolution, Laclos est favorable à une monarchie éclairée qui reconnaît la nécessité des réformes et se range du côté du duc d’Orléans. En 1790, il adhère au Club des jacobins, écrit dans le Journal des amis de la Constitution et prône une monarchie constitutionnelle. Pendant la Terreur, il est arrêté en 1793 puis relâché en 1794 alors que le duc d’Orléans sera exécuté. Il soutiendra ensuite Napoléon Bonaparte avant de mourir à Tarente, en Italie, en 1803.
Provenance
Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature (2015).
Lien permanent
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