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Parcours pédagogique

Le théâtre, un lieu pour voir et être vu

Par Clara Rabier, professeure de lettres modernes
12 min de lecture
Israël Silvestre, Théatre fait dans la mesme allée sur lequel la Comédie et le Ballet de La Princesse d’Élide furent représentez, 1673
Lorsqu’on aborde une œuvre théâtrale en classe, peu importe l’âge et le niveau des élèves, il peut être intéressant de questionner l’espace théâtral et les conditions de représentation d’un spectacle. En effet, s’il n’est pas rare que les élèves puissent aujourd’hui fréquenter plus régulièrement les théâtres, notamment grâce aux sorties scolaires, pour certains le théâtre reste un lieu inconnu ou bien un espace appréhendé au travers d’un imaginaire collectif qu’il sera parfois nécessaire de remettre en question.
En tant que spectacle vivant, le théâtre ne peut fonctionner qu’avec la « co-présence simultanée des acteurs et des spectateurs » (Anne Ubersfeld, L’Espace théâtral, 1980) où chacun participe à l’élaboration de la représentation théâtrale. Sans pouvoir se substituer à l'expérience personnelle d’un spectacle, interroger l’espace de la représentation ainsi que la composition et les habitudes des groupes qui fréquentent les théâtres offrira aux élèves des éléments de contexte, qui leur permettront de donner davantage de corps au texte de théâtre étudié en classe ou d’élargir l’appréhension d’une captation de mise en scène.
Toutes les pistes pédagogiques proposées au sein de ce parcours peuvent être réalisées à différents moments d’une séquence abordant une œuvre théâtrale, qu’il s’agisse d’introduire un pièce ou le genre dramatique en général ou de proposer des activités de prolongement aux corpus de textes étudiés. Les théâtres antiques, eux, peuvent être utilisés lors des cours de latin et de grec en lien direct avec l’étude des structures politiques de l’époque. Les œuvres des programmes appartenant généralement au patrimoine européen, on étudie ici principalement le théâtre occidental : tout d'abord l’évolution de l’espace théâtral, son organisation et ses conséquences sur l’expérience dramatique vécue par les différents participants du spectacle, puis l’identité sociale des spectateurs et des comédiens et leurs habitus au sein du théâtre.
Les ressources pour réaliser l'activité

Dès sa naissance en Grèce autour du 5e siècle avant J.-C., le théâtre occidental se conçoit comme un espace politique, au sens où les représentations qu’on y donne sont l’occasion de se réunir et de réfléchir à la polis, la cité. Cet idéal démocratique se reflète dans l’organisation spatiale de la représentation.

Peu importe l’époque et le pays, il en va de même pour tous les espaces dramatiques : l’architecture de la salle se veut le reflet d’une conception esthétique et politique du théâtre en ce que l’organisation de cet espace affecte les conditions de représentation et de réception d’une pièce.

Rappeler ce lien entre espace théâtral, conditions de représentation et projet politique et esthétique s’inscrit pleinement dans la démarche éducative de l’« École du spectateur », qui a pour vocation de faire appréhender le théâtre aux élèves comme « une pratique esthétique vivante au-delà de l’analyse littéraire de textes ».

Piste pédagogique : étude d’un ou plusieurs espaces dramatiques

Objectif : procéder à une étude détaillée des lieux de représentation évoqués en classe, ou faire réfléchir les élèves à la multiplicité des formes de « salles » qui ont pu exister.

Démarches : On peut utiliser pour cela un corpus d’images et de courts extraits de textes décrivant l’espace dramatique. Par groupes, les élèves peuvent travailler sur un lieu unique et présenter le fruit de leur travail à l’oral devant le reste de la classe. Ils devront à chaque fois donner les informations suivantes : le lieu, la date, la description de la forme de la salle et ce en quoi celle-ci affecte les conditions de représentation pour les comédiens et le public. Cette activité est l’occasion de faire travailler les élèves sur le vocabulaire propre à l’espace scénique en général (dispositif frontal, bi-frontal, circulaire…) ou propre à une forme de théâtre (comme le vocabulaire grec du théâtre antique), en leur demandant par exemple d’annoter les schémas des salles étudiées.

Documentation : Le corpus iconographique peut utiliser des photographies, estampes et plans de salles. Les dessins et textes d’André Degaine issus de son Histoire du théâtre dessinée, sont également très bien adaptés aux élèves.

Nous vous proposons dans les ressources une (brève et non-exhaustive) histoire des lieux théâtraux qui vous permettra d’orienter vos recherches et de donner des éléments de contexte et de correction aux élèves.

Les ressources pour réaliser l'activité

L’étude d’une pièce de théâtre n’est pas l’unique moment où les élèves sont invités à s’interroger sur l’espace théâtral et les conditions de représentation d’une pièce. En effet, nombreux sont les extraits de textes étudiés en classe (notamment au lycée) où l’on parle de théâtre. Que le point de vue adopté soit celui de personnages de roman (spectateurs ou comédiens) ou d’hommes et de femmes de lettres racontant leur expérience du théâtre, les élèves ne pourront comprendre la plupart de ces textes sans remise en contexte.

L’étude du lieu théâtral en lui-même, comme menée plus haut, pourra leur donner quelques clés de lecture, qu’on choisisse d’étudier un lieu unique ou de le comparer à d’autres espaces d’époques différentes. Mais on pourra aussi donner aux élèves quelques textes échos leur permettant de comprendre comment les pièces étaient reçues et vécues pas le public de l’époque. Nous proposons ici une sélection d’extraits de textes où la scène décrite se situe dans un théâtre. Si ce corpus est organisé de manière chronologique, on peut cependant l’aborder en fonction des différentes parties de la salle qui y sont abordées.

Un parterre indiscipliné

Les comportements des spectateurs ont beaucoup évolué à travers le temps et les élèves ne sont guères habitués aux cohues que connaissaient les parterres des théâtres.

Piste pédagogique : étude, mise en voix et espace de la scène d'exposition de Cyrano de Bergerac (acte I, sc. 1 et 2)

La scène d’exposition de Cyrano de Bergerac donne à voir une représentation à l’Hôtel de Bourgogne en 1640, soit près de deux siècles avant la date d’écriture de la pièce. Christian se rend au théâtre accompagné de Lignière afin que celui-ci l’aide à identifier la jeune femme dont il est tombé amoureux. On y retrouve une foule qui semble venue pour faire tout autre chose que d’assister à un spectacle de théâtre. La dimension méta-théâtrale de la scène, puisque le public se voit représenté sur scène, en fait un texte intéressant à étudier lorsqu’on aborde le genre théâtral.

Les deux premières scènes de l’œuvre, pour qu’elles soient mieux comprises par les élèves, peuvent faire l’objet d’un exercice de jeu collectif. On peut demander dans un premier temps aux élèves, à l’aide du schéma fourni précédemment, de disposer la salle de classe comme celle de l’Hôtel de Bourgogne. Ils devront ensuite identifier les différents groupes de personnages, avant de se répartir les rôles :  les cavaliers, les pages, le bourgeois et son fils, les voleurs, le garde et sa bouquetière, les spectateurs, la distributrice, les laquais, les marquis, les femmes dans les loges…  On charge également un élève de la musique, et un autre des lumières. On demandera aux élèves de réfléchir à la manière de traiter les personnages principaux (Christian et Roxane) : doivent-ils être perdus dans la foule ou mis en avant ? Et si c'est le cas, comment ?

L’exercice permettra de travailler l’écoute au sein du groupe (il faut précisément savoir quand arrive sa réplique), de les initier à la mise en scène, mais aussi de s’interroger sur l’espace de la représentation et les habitudes bien différentes des spectateurs de l’époque.

Piste pédagogique : portrait de Nana dans le premier chapitre de Nana de Zola

Le portrait de Nana dressé par Zola lors du premier chapitre de son roman peut également être utilisé pour illustrer la manière dont une foule peut se laisser emporter par le spectacle auquel ils assistent. En effet, on assiste dans cet extrait à une véritable transe collective, provoquée par les charmes de la jeune comédienne.

En guise d’exercice, on peut proposer un écrit d’appropriation où les élèves devront, à la manière de Zola, décrire la foule d’un théâtre en train de réagir à ce qui se passe sur scène. Afin de lier les œuvres vues dans l’année entre elles, on peut leur demander de partir d’une scène de théâtre lue ou vue en classe. La pièce suscite-t-elle l’ennui, le scandale ou bien l’enthousiasme du public ?

Les intrigues des loges

Si le parterre se donne en spectacle, le public fortuné des loges n’est pas en reste et vient au théâtre avant tout pour être vu. L’architecture à l’italienne (voir ci-dessus) sépare très distinctement les espaces selon les classes sociales et la société bourgeoise évolue dans ces espaces clos qui lui sont propres. Dans les loges ou au promenoir, on se regarde, on se cherche et on mène ses intrigues, qu’elles soient financières ou amoureuses.

Les romanciers du 19e siècle se plaisent à présenter les théâtres comme des lieux de débauche et de manigances, où le succès d’une pièce ne dépend nullement de sa qualité artistique mais bien des stratagèmes mis en place par les directeurs des théâtres. Le triomphe ou l’échec d’une œuvre est soumis à l’argent qu’on investie dans la claque et dans les relations qu’on entretient avec les journalistes. Loin d’être un fantasme ou un simple ressort narratif, le topos du journaliste au théâtre est souvent le fruit d’une expérience vécue par les auteurs eux-mêmes au cours de leur carrière littéraire.

Piste pédagogique : une analyse du film Les Illusions Perdues de Xavier Giannoli, 2021

Dans Les Illusions perdues de Balzac, le personnage de Lucie de Rubempré, jeune poète plein d’idéalisme fraîchement débarqué à Paris, se retrouve justement confronté au cynisme des intrigues mondaines qui régissent la vie littéraire parisienne. Lorsqu’il se rend au théâtre du Panorama-Dramatique avec son ami journaliste, Etienne Lousteau, il est outré par les stratagèmes mis en place par le directeur du théâtre. Il comprend assez vite que les théâtres parisiens ne s’intéressent guère à la qualité des pièces et que tout n’est qu’affaire d’argent, qu’il s’agisse de monter une cabale pour faire échouer la pièce ou d’organiser « la claque ». Il n’est nullement question du talent des actrices, deux « créatures » choisies avant tout pour leur beauté et les mécènes qu’elles peuvent rapporter au théâtre. Dans Nana, Zola va même plus loin en brossant le portrait d’un directeur qui considère son théâtre comme un « bordel » et assume d’avoir choisi Nana uniquement pour ses charmes.

Au-delà des textes proposés dans le corpus, on peut faire travailler les élèves sur plusieurs extraits de l’adaptation cinématographique de Xavier Giannoli en 2021. Les scènes qui se déroulent dans des théâtres condensent en effet à elles seules les moments clés de la chute et de l’ascension du personnage principal :

  • Dans la scène à l’Opéra-Comique, où Lucien va pour la première fois au théâtre, on assiste à l’ensemble de ses préparatifs pour se fondre dans le public. Il est cependant rapidement démasqué à cause de son absence de maîtrise des codes sociaux très rigides de ce genre d’évènement (il salue depuis les loges, montre du doigt…). La caméra, en jouant sur un effet de champ-contrechamp, permet de montrer les échanges de regards entre Lucien qui observe avec attention le reste du public des loges, et ce même public qui condamne son attitude par des regards et des chuchotements.
  • Lors de la première soirée au théâtre avec Lousteau, la voix du narrateur explique très bien les jeux d’influence qui régissent la scène dramatique parisienne. Elle explique également les liens qui unissent les jeunes actrices au monde naissant de la publicité et de l’affiche, ainsi que la hiérarchie de « la nouvelle aristocratie » qui est « celle de l’argent ». Le personnage de Singali, complètement réinventé dans le film, endosse quant à lui le rôle d’un chef de claque professionnel, qui peut faire ou défaire en un instant le succès d’une pièce. Il va jusqu’à inventer une « machine à gloire » qui a pour but de remplacer mécaniquement les applaudissements des spectateurs. Travailler sur cet extrait est d’ailleurs une bonne occasion de donner à lire aux élèves la nouvelle « La Machine à gloire » de Villiers de l’Isle-Adam.
  • Les extraits suivants montrent tour à tour le succès de Lucien, puis sa chute, conjuguée à l’échec de Coralie dans sa première de Bérénice, orchestré par le même Singali et les anciens amis de Lucien.

Piste pédagogique : jouer les critiques de théâtre

En quatrième, en lien avec l’objet d’étude « Informer, s’informer, déformer », ou au lycée lorsqu’on aborde un roman où se pose la question du journalisme culturel, les élèves peuvent être amenés à rédiger un article de presse à la manière d’un journaliste du 19e siècle, en partant d’une pièce étudiée en classe ou d’un spectacle qu’ils ont vu par eux-mêmes.

Au brouillon, avant de rédiger, ils devront d’abord s’imposer un objectif secret : ont-ils un intérêt personnel à voir la pièce échouer ou triompher ? Que vont-ils commenter afin d’atteindre leur objectif ? Le jeu des acteurs, leurs physiques, leur voix, l’histoire ? Ils peuvent également rapporter les réactions du public autour d’eux où colporter des ragots. Tous les coups sont permis !

Afin d’aider les élèves à trouver l’inspiration, on peut leur proposer

Si l’on souhaite donner une dimension plus actuelle à l’exercice, on peut leur faire enregistrer une émission de radio à la manière du Masque et la Plume sur France Inter. Par groupe de trois, les élèves devront opposer leur point de vue sur la pièce.

Les ressources pour réaliser l'activité

Coup de foudre au théâtre

Puisque pour les spectateurs des loges, il s’agit surtout de voir et d’être vus, il est normal que le théâtre devienne un des lieux privilégiés des « scènes de première vue ». Pour les amoureux, c'est un moyen de s’épier et se retrouver en public sans que cela ne soulève de question. Dans Cyrano de Bergerac, Christian se rend au théâtre dans ce seul but, accompagné d’un ami capable de lui révéler l’identité de la jeune femme dont il s’est épris.

Le coup de foudre n’est cependant pas limité au seul public, et il franchit parfois la rampe. Ainsi Madame Bovary, portée par l’émotion du spectacle, est prise d’un accès de passion pour le comédien qu’elle voit sur scène et s’imagine partager sa gloire et sa vie, qu’elle imagine trépidante. Dans Les Illusions perdues, le coup de foudre part cette fois de la scène, puisque c’est Coralie qui semble tomber sous les charme de Lucien alors qu’elle est sur scène. La proximité entre la loge et la scène joue bien évidemment son rôle dans ce passage, car en plus du regard, Lucien peut entendre Coralie et Florine parler de cet élan soudain de passion entre deux répliques. La comédienne est tellement troublée que la représentation manque d’échouer. C’est la réciprocité de ce coup de foudre qui fera abandonner à Lucien tous ses griefs envers le monde du théâtre.

S’il est donc souvent question de rencontres amoureuses au théâtre, les salles de spectacles sont avant tout un lieu de rencontre entre les prostituées et leurs clients. C’est ainsi que, dans Bel-Ami, Duroy rencontre Rachel. Cette proximité manquera de lui être préjudiciable puisqu’un soir, alors qu’il a connu une ascension sociale fulgurante et vient au théâtre avec sa nouvelle maîtresse, il tombe sur Rachel qu'il ne salue pas de peur d’être vu avec elle. Blessée par ce comportement, la jeune femme lui fera payer cet affront en affichant publiquement leur lien.

Piste pédagogique : coup de foudre au théâtre

 En quatrième, dans le cadre de l’objet d’étude « Dire l’amour », on peut demander aux élèves de rédiger une scène de première vue dans un théâtre. Selon le genre étudié, la rédaction peut se faire sous la forme d’une scène de théâtre, où deux personnages dans des loges opposées, jouent à s’observer, se montrer ou collecter des informations sur l’objet de leur désir. La scène peut ensuite être jouée. Sous sa forme romanesque, on peut demander aux élèves de faire le portrait de la personne repérée dans le public. Dans les deux cas, il faudra demander aux élèves de tenir compte de la forme de la salle dans laquelle les personnages se trouvent.

Jouer devant les puissants

Si les journalistes et autres mécènes pénètrent souvent dans les loges des comédiens, on trouve moins de récits choisissant l’angle de vue des acteurs.

Piste pédagogique : étude du Roman de Monsieur de Molière de Mikhail Boulgakov

À ce titre, l’étude d’un extrait du roman de Boulgakov, Le roman de Monsieur de Molière, permet de toucher de plus près l’expérience du comédien. Aborder une scène de ce roman, dès qu’on étudie une pièce du dramaturge français, permet de prolonger et de questionner l’imaginaire qu’on a de Molière en tant que figure culturelle majeure. Utilisé en troisième, il peut être l’occasion de s’interroger sur le statut biographique de l’œuvre et être mis en lien avec l’exposition ayant eu lieu à la BnF en 2022, Molière, le jeu du vrai et du faux, qui entendait justement remettre en perspective la « réinvention d’une biographie légendaire ». Dans tous les cas, il faudra rappeler que l’auteur du roman, Mikhaïl Boulgakov, est un auteur russe qui a fait face toute sa vie à la censure du régime soviétique et que son roman sur Molière (lui-même censuré) lui permet d’interroger les liens entre artistes et puissants.

Dans l’extrait choisi, Molière joue pour la première fois devant le roi de France et la troupe rivale de l’Hôtel de Bourgogne. Il a bien conscience de jouer là, sur une seule représentation, toute la suite de sa carrière. C’est grâce à son génie comique et à son verbe qu’il évite le désastre.

Piste pédagogique : écriture collective d'une lettre contre la censure

Au collège comme au lycée, l’étude des œuvres de Molière permet bien souvent d’aborder la question de la censure. Après une phrase de recherches sur les raisons de la censure de la pièce et des arguments soulevés en faveur ou contre cette interdiction, on peut proposer aux élèves la rédaction collective d’une lettre fictive de Molière au roi pour lui demander de lever la censure sur la pièce. Cet exercice sera l’occasion de leur faire travailler différentes stratégies argumentatives (thèse, explications, réfutation…). Après avoir arrêté la structure de la lettre et ses différents arguments, les élèves travaillent par groupe sur un argument en particulier à développer dans un paragraphe.

Le quotidien des comédiennes

Jusqu’au 16e siècle, les femmes n’ont pas le droit de monter sur scène. Les rôles féminins sont donc longtemps tenus par des hommes ! Elles finissent cependant par se faire une place dans les troupes et accèdent à la notoriété. Mais à quel prix ?

Qu’il s’agisse des extraits de Nana ou des Illusions Perdues, la figure de la comédienne semble osciller entre femme puissante et femme-objet. Chez Zola, Nana tire pleinement partie de sa notoriété et impose son pouvoir de séduction à la salle. Chez Balzac, les comédiennes sont aussi choisies pour leur beauté avant leur talent et leur carrière dépend presque entièrement des relations intimes qu’elles entretiennent avec les riches hommes prêts à les soutenir dans leur carrière. Dans Music-Hall de Colette, on voit que les comédiennes sont soumises à l’exigence de la séduction par leur nudité sur scène mais doivent aussi composer avec leurs vies de famille. Leur statut ne semble guère enviable. Cependant, une comédienne à succès, lorsqu’elle accepte de monnayer son image, peut mener une vie libre et aisée qu’aucune autre carrière ne lui permettrait d’avoir. Pour réussir, elles n’ont donc d’autre choix que de composer avec le sexisme de leur temps, de se rendre maîtresse de leur image et des relations publiques.

Piste pédagogique : le scandale Sarah Bernhardt

S’il est bien une comédienne qui a su se jouer du sexisme du monde du théâtre et accéder au rang d’icône, c’est bien Sarah Bernhardt. En quatrième ou en lycée, on peut revenir sur cette légende du théâtre français et s’intéresser au traitement médiatique réservé aux nombreux scandales qui ont marqué la vie de l’actrice.

Dans un premier temps, les élèves sont amenés à faire des recherches biographiques et à choisir un fait scandaleux dans la vie de l’actrice (ses animaux exotiques, son habitude de dormir dans un cercueil, son enfant à l’obscure naissance, la chirurgie esthétique…) ou un moment marquant de sa carrière. Par la suite, on peut leur demander de rédiger un article de presse à scandale, du 19e siècle ou d’aujourd’hui, ou bien une interview fictive ou une page d’autobiographie qui laisse un droit de réponse à la comédienne. La restitution peut aussi se faire sous forme de vidéo, à la manière des réseaux sociaux, où les élèves défendent Sarah Bernhardt face à ses détracteurs ou remettent en question certaines de ses décisions (son goût pour les animaux exotiques, par exemple).

On pourra orienter les recherches des élèves en leur proposant des extraits de son autobiographie, de journaux, ainsi que des documents iconographiques pour illustrer leur travail :

On l’aura compris, le théâtre n’est pas qu’un genre littéraire : il est le lieu d’une expérience collective, d’un spectacle vivant, politique comme esthétique, que les élèves doivent éprouver, ou du moins ressentir comme telle, pour pleinement comprendre les pièces abordées en classe. Interroger les œuvres sous l’angle de leur conditions de représentation et de réception, c’est permettre aux élèves de toucher du doigt la spécificité du genre dramatique, en espérant leur donner l’envie de s’y frotter en devenant eux-mêmes de futurs spectateurs.

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