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Extrait

Illuminations du soir

Émile Zola, Une page d'amour, 1878
Hélène observe Paris s'illuminer en compagnie de son ami, l'abbé Jouve.

Dans la mer de ténèbres qui dormait devant eux, une étincelle avait lui. C'était à leur pieds, quelque part dans l'abîme, à un endroit qu'ils n'auraient pu préciser. Et, une à une, d'autres étincelles parurent. Elles naissaient dans la nuit avec un brusque sursaut, tout d'un coup, et restaient fixes, scintillantes comme des étoiles. Il semblait que ce fût un nouveau lever d'astres, à la surface d'un lac sombre. Bientôt elles dessinèrent une doubles ligne, qui partait du Trocadéro et s'en allait vers Paris, par légers bonds de lumière ; puis, d'autres lignes de points lumineux coupèrent celle-ci, des courbes s'indiquèrent, une constellation s'élargit, étrange et magnifique. Hélène ne parlait toujours pas, suivant du regard ces scintillements, dont les feux continuaient le ciel au-dessous de l'horizon, dans le prolongement infini, comme si la terre eût disparu et qu'on eût aperçu de tous cotés la rondeur céleste... .Paris, qui s'allumait, s'étendait, mélancolique et profond, apportant des songeries terrifiantes d'un firmament où pullulent les mondes.

Émile Zola, Une page d'amour : Paris, Charpentier, 1879.