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Extrait

Jardin du Luxembourg

Émile Zola, Paris, 1898.
Pierre se promène avec son neveu François au Jardin du Luxembourg. Celui-ci lui indique les institutions culturelles qui occupent cette partie de Paris.

D'un geste large, au-delà du jardin du Luxembourg, François indiquait les institutions, les lycées, les écoles supérieures, les facultés de droit et de médecine, l'Institut avec ses cinq académies, les bibliothèques et les musées sans nombre, tout ce domaine du travail intellectuel, qui occupe un vaste champ de Paris immense. Et Pierre, ému, ébranlé dans sa négation, crut entendre en effet monter des classes, des amphithéâtres, des laboratoires, des salles de lecture, des simples chambres d'étude, le grand murmure sourd du travail de toutes ces intelligences en branle. Ce n'était pas la trépidation saccadée, essoufflée, la clameur grondante des usines ouvrières, où le travail manuel peine et s'irrite. Mais, ici, le soupir était aussi las, l'effort aussi meurtrier, la fatigue aussi féconde. Etait-ce donc vrai que le jeunesse intellectuelle était toujours dans sa forge silencieuse, ne renonçant à aucune espérance, abandonnant aucune conquête, forgeant la vérité et la justice de demain, en pleine liberté d'esprit, avec les marteaux invincibles de l'observation et de l'expérience ?

Émile Zola, Les trois villes. Paris : Paris, Bibliothèque Charpentier, Fasquelle, 1898.