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Extrait

Il n’y avait qu’à…

Louis-Sébastien Mercier, Le Nouveau Paris, Livre 1, chapitre 10, 1797
Avec verve et ironie, Louis-Sébastien Mercier évoque ici la propension des journalistes à vouloir à postériori édicter ce qu'il aurait fallu faire avant ou pendant la Révolution française. Il se moque ainsi de l'expression « Il n'y avait qu'à » qui pullule dans tous les journaux.
 

On n'entend que ce mot lorsqu'on parle de la révolution : Il n'y avait qu'à faire ceci ; il n'y avait qu'à faire cela ; il n'y avait qu'à prendre un tel ; il n'y avait qu'à marcher tel jour et telle heure : tous grands et merveilleux prophètes après l'événement, tous rétrogradant vers le passé et ne pouvant pas dire ce qui arrivera demain, tous se répandant en déclamations inutiles, haranguant une cataracte bruyante, et s'imaginant que leur voix va suspendre les flots écumeux.
Comment un journaliste peut-il se relire lui-même sans rougir de ce qu’il a écrit ? Que de faux aperçus, que de jugements fautifs ; que d'ignorance de la chaîne qui lie tous les événements de ce monde ! Il n'y avait qu'à... il n'y avait qu'à... Lorsque j'entends ces mots, je détourne mon attention et je laisse le parleur enfiler ses vaines syllabes.

Louis-Sébastien Mercier, Le Nouveau Paris  : Paris, Fuchs, Pougens et Cramer, 1797.
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