Le héros messianique

© ADAGP, 2008
T-shirt avec le portrait de Che Guevara
Alberto Korda ne put jamais maîtriser l'utilisation du cliché pris le 6 mars 1960. Il assista, jusqu'à sa mort, en 2001, et parfois avec son assentiment, à une manipulation intensive et diversifiée de cette nouvelle icône, sans jamais en profiter financièrement. Après sa diffusion sous forme d'affiches par l'éditeur et militant d'extrême gauche Feltrinelli, ce portrait connut le succès d'un produit de consommation de masse. On ne peut s'empêcher de mettre en relation l'image placardée dans les chambres d'adolescents ou arborée sur les T-shirts avec les représentations du voile de Véronique - « vera icona » : l'image vraie - de la tradition chrétienne. Pour Marx, les vertus magiques prêtées aux images religieuses persistent dans le monde industriel en s'investissant dans les marchandises, comme si elles avaient une vie indépendante des hommes qui les ont créées et leur ont donné une valeur. Le portrait de Che Guevara nous rappelle ainsi le « caractère fétiche de la marchandise et son secret ».
© ADAGP, 2008
Révolutionnaire, martyr, idole, ce modèle composite intègre des figures résistantes et politiques comme Nelson Mandela (son destin est conforme au modèle héroïque : ascendance royale, vie cachée, emprisonnement, retour triomphal, présidence de l’État), l’Afghan Massoud (le « lion du Panshir »), Gandhi ou Martin Luther King…
Le personnage le plus emblématique de cette famille est incontestablement Ernesto Guevara de La Serna, plus connu sous le nom de Che Guevara, né le 14 juin 1928 à Rosario (Argentine) et exécuté sommairement à La Higuera (Bolivie) le 9 octobre 1967. Héritir des combattants libérateurs latino-américains, ce révolutionnaire marxiste internationaliste, véritable héros pour de nombreux mouvements politiques dans le monde, est aussi devenu une icône mythique. La malléabilité du visage barbu coiffé d’un béret a autorisé toutes les exploitations, y compris les plus provocatrices, comme l’association de son effigie aux symboles du capitalisme américain. La preuve est faite à nouveau : aucun personnage exceptionnel ne maîtrise l’usage (le détournement, l’instrumentalisation) que l’on fait de ses actes ou de son image, surtout après sa mort.
Le Che suscite aussi la controverse, d’autant plus facilement que le « petit condottiere du 20e siècle », intransigeant et mystérieux, fut radical dans son engagement politique. Le héros des uns devient un terroriste pour les autres, comme en témoignent les innombrables biographies passionnelles du Comandante.
Dans la construction du mythe guevariste, la photographie a joué un rôle décisif et paradoxal : communiste athée, on l’identifie par une image christique universellement connue. Le portrait pris en 1960 par Alberto Korda, emblématique du Guerillero héroico, fut utilisé massivement à partir de 1967 : simplifié, décliné en affiches, posters, tee-shirts puis détourné en pochettes de disques, publicités, etc. Destin iconique étrange pour un homme qui, à la tête de la Banque centrale de Cuba, caressait l’idée de réduire le rôle du capital et de la monnaie dans l’économie. La mise en scène de sa mort dans la jungle bolivienne l’a propulsé au rang de martyr.

À quelle fin m'utilise-t-on ?
« À quelle fin m'utilise-t-on ? » a inscrit près de l'effigie de Che Guevara le jeune peintre français Rero, graffeur, designer et performeur aujourd'hui installé à Londres. L'icône du Che a très tôt été l'objet d'une instrumentalisation plus ou moins marquée. Le tableau rappelle la polysémie du héros : celui qui a contribué à fonder la dictature cubaine est aussi celui qui s'est battu pour la liberté et pour la justice sociale. Les héros sont des images ondoyantes que nous légendons au gré de nos idéologies et de nos désirs.
© Rero
© Rero
La diffusion de ces images célébrissimes se développe après la mort de Che Guevara dont le culte grandit non seulement à Cuba mais aussi, dès 1968, auprès de la jeunesse occidentale. L’image du Che s’est affranchie du personnage réel et poursuit sa vie propre puisqu’après avoir incarné une idée de la révolution, elle inspire aussi bien la rébellion que l’univers de la consommation.

T-shirt avec le portrait de Che Guevara
Alberto Korda ne put jamais maîtriser l'utilisation du cliché pris le 6 mars 1960. Il assista, jusqu'à sa mort, en 2001, et parfois avec son assentiment, à une manipulation intensive et diversifiée de cette nouvelle icône, sans jamais en profiter financièrement. Après sa diffusion sous forme d'affiches par l'éditeur et militant d'extrême gauche Feltrinelli, ce portrait connut le succès d'un produit de consommation de masse. On ne peut s'empêcher de mettre en relation l'image placardée dans les chambres d'adolescents ou arborée sur les T-shirts avec les représentations du voile de Véronique - « vera icona » : l'image vraie - de la tradition chrétienne. Pour Marx, les vertus magiques prêtées aux images religieuses persistent dans le monde industriel en s'investissant dans les marchandises, comme si elles avaient une vie indépendante des hommes qui les ont créées et leur ont donné une valeur. Le portrait de Che Guevara nous rappelle ainsi le « caractère fétiche de la marchandise et son secret ».
© ADAGP, 2008
© ADAGP, 2008

T-shirt avec le portrait de Che Guevara
Alberto Korda ne put jamais maîtriser l'utilisation du cliché pris le 6 mars 1960. Il assista, jusqu'à sa mort, en 2001, et parfois avec son assentiment, à une manipulation intensive et diversifiée de cette nouvelle icône, sans jamais en profiter financièrement. Après sa diffusion sous forme d'affiches par l'éditeur et militant d'extrême gauche Feltrinelli, ce portrait connut le succès d'un produit de consommation de masse. On ne peut s'empêcher de mettre en relation l'image placardée dans les chambres d'adolescents ou arborée sur les T-shirts avec les représentations du voile de Véronique - « vera icona » : l'image vraie - de la tradition chrétienne. Pour Marx, les vertus magiques prêtées aux images religieuses persistent dans le monde industriel en s'investissant dans les marchandises, comme si elles avaient une vie indépendante des hommes qui les ont créées et leur ont donné une valeur. Le portrait de Che Guevara nous rappelle ainsi le « caractère fétiche de la marchandise et son secret ».
Bibliothèque nationale de France
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