L’Affaire Tapner

© Maisons de Victor Hugo / Roger-Viollet
Justitia
Conservé à Hauteville House, ce dessin figura dans l’atelier, puis dans la salle de billard. L’influence de Goya est ici manifeste : le dessin de la tête est très proche d’œuvres comme El tio paquete (Madrid, musée Thyssen-Bornemisza). La tête du condamné projetée semble devenir constellation : on trouve ici l’expression graphique de cette note consignée dans le Livre des tables : « À la première entrée de l’Ombre du sépulcre, et un moment avant qu’elle ne revînt, Victor Hugo avait exprimé l’intention de l’interroger sur Tapner, et sur l’effet que produit dans l’infini cette âme qu’on y lance violemment. Comment voit-on la peine de mort de l’autre côté du tombeau ? » (séance du 17 février 1854.)
© Maisons de Victor Hugo / Roger-Viollet
Si les proscrits français sont bien accueillis à Guernesey, on attend d'eux une certaine discrétion. Tout au contraire, en 1854, Hugo prend fait et cause pour le Guernesiais John Charles Tapner, condamné à la pendaison pour avoir cambriolé et incendié une maison après avoir tué sa propriétaire.
Sur cette île paisible, les exécutions sont rares. En écrivant une lettre ouverte aux habitants de Guernesey, Hugo espère susciter parmi eux un mouvement de clémence, afin d'obtenir des autorités la prison plutôt que la mort.
La cause est pourtant délicate, puisqu'en laissant pendre Tapner, les habitants peuvent avoir le sentiment de défendre leur sécurité et celle de leurs biens. Pour les convaincre, il faut se placer à un autre niveau.
Mais qu'importe ! pour moi cet assassin n'est plus un assassin, cet incendiaire n'est plus un incendiaire, ce voleur n'est plus un voleur ; c'est un être frémissant qui va mourir. Le malheur le fait mon frère. Je le défends.

"Ecce"
Ce dessin est celui que Victor Hugo confie à Paul Chenay en 1860 pour être gravé au moment de l'exécution par pendaison de John Brown. C'est très certainement l'affaire Tapner qui, en 1854, avait inspiré à Victor Hugo cette terrible image, dont le titre se réfère à la passion du Christ.
© RMN, cliché Michèle Bellot
© RMN, cliché Michèle Bellot
Mais le combat perdu à Guernesey n'a pas été mené en vain. Contre toute attente, c'est au Québec que Hugo sera entendu, où un certain Julien aurait échappé à la peine de mort à la suite de la reproduction de la lettre de Hugo dans les journaux américains, selon ce qu’il raconte dans une lettre de 1862.