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De nouveaux acteurs pour le livre au 18e siècle

La Bonne Éducation
La Bonne Éducation

Bibliothèque nationale de France

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L’élargissement du lectorat va de pair avec le développement de l’alphabétisation. En dépit du retard sur les pays protestants qui n’est pas rattrapé, on constate une forte progression au 18e siècle. On arrive au chiffre global de 35 % d’alphabétisés à la veille de la Révolution, avec toujours un retard des zones rurales sur les villes et du Sud sur le Nord.

Un lectorat en augmentation

En 1780, selon une estimation faite d’après les signatures de testaments, 85,5 % d’hommes et 64 % de femmes savent signer à Paris. D’après l'historien Roger Chartier, le pourcentage d’alphabétisés passe de 29 à 47 % pour les hommes et de 14 à 27 % pour les femmes entre 1690 et 1790.
Par ailleurs, les inventaires après décès signalent plus de livres qu’au siècle précédent. Ces chiffres cachent de fortes disparités. Il faut distinguer plusieurs types de lecteurs.

La Maîtresse d’école
La Maîtresse d’école |

Blbliothèque nationale de France

Le lectorat savant constitue la République des lettres qui s’est développée au siècle précédent à travers les correspondances puis grâce aux académies. Au 18e siècle, le réseau des académies de province se développe en même temps que se multiplient les sociétés savantes. Ces lecteurs triés sur le volet bénéficient de l’ouverture des bibliothèques royales et princières.
Il faut lui adjoindre, sans qu’il s’en distingue toujours nettement, un lectorat cultivé dont la croissance est attestée par l’augmentation du volume moyen des bibliothèques privées, le succès des cabinets et sociétés de lecture, le développement des salons, des cafés et des clubs à la mode anglaise. Enfin le lectorat dit « populaire » n’est pas négligeable. Les lecteurs les plus modestes se fournissent auprès des colporteurs ou des loueurs de livres, en ville, qui découpent parfois les livres en cahiers pour plus de profit, ainsi qu’en témoigne Louis-Sébastien Mercier. Le succès de la Bibliothèque bleue et des almanachs est croissant. En outre, de nombreux débits de boissons permettent la lecture de journaux et libelles.

Livres récréatifs, appellez communément la Bibliotheque bleuë
Livres récréatifs, appellez communément la Bibliotheque bleuë |

© Bibliothèque nationale de France

Dialogue entre Cartouche et Mandrin…
Dialogue entre Cartouche et Mandrin… |

© Bibliothèque nationale de France

L'apparition de l'éditeur

À la veille de la Révolution, environ 150 villes de France possèdent au moins une imprimerie. Mais l'essentiel de la production imprimée initiale se concentre à Paris, les imprimeurs provinciaux vivant en grande partie de réimpressions, licites ou non (contrefaçons), et de publications d'intérêt local. La profession de libraire se sépare souvent de celle d’imprimeur. On distingue en outre le libraire d’assortiment, l’équivalent de notre libraire actuel, et le libraire de fonds qui se charge en plus de solliciter les auteurs, de lire et éventuellement de publier les manuscrits qu’on lui apporte.

La boutique des libraires François L’Honoré et Jacques Desbordes devant « La Bource d’Amsterdam »
La boutique des libraires François L’Honoré et Jacques Desbordes devant « La Bource d’Amsterdam » |

Bibliothèque nationale de France

L’apparition de l’éditeur tel qu’on le connaîtra au 19e siècle date de la seconde moitié du siècle. Le plus représentatif de ces hommes est Charles-Joseph Panckoucke.
À la même époque, se dégage la figure de l’éditeur scientifique dont le prototype est Denis Diderot, directeur, auteur, correcteur et éditeur de l’Encyclopédie. Beaumarchais joue aussi ce rôle pour la publication des œuvres de Voltaire puis de Rousseau.

Naissance de l'écrivain

François Marie Arouet, dit Voltaire
François Marie Arouet, dit Voltaire |

© Bibliothèque nationale de France

Au 18e siècle, la majorité des auteurs dispose d’une fortune personnelle ou occupe une charge, d’historiographe du Roi comme Voltaire, à simple précepteur ou à bibliothécaire.
À partir de 1760 se développe une population de folliculaires raillés par Voltaire : ces « Rousseau du ruisseau » (étudiés par Robert Darnton) vivent chichement en écrivant dans les périodiques et en collaborant aux dictionnaires et collections qui se multiplient.

Le métier d’écrivain

Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une Société de gens de lettres : prospectus
Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une Société de gens de lettres : prospectus |

© Bibliothèque nationale de France

Les auteurs sont alors de plus en plus nombreux à espérer subsister plus ou moins largement de leur travail.
Or, depuis le siècle précédent, le privilège royal, qui équivalait à un monopole d’exploitation, ne profitait qu'au seul libraire. Certes, la notion de propriété littéraire existait dès lors que l’auteur vendait son manuscrit au libraire. C’est le sens de la Lettre sur le commerce de la librairie rédigée par Diderot en 1763 pour la communauté des libraires parisiens et destinée à Antoine de Sartine, le successeur de Malesherbes à la direction de la Librairie. Ce texte revendique notamment le maintien du droit de l'auteur sur son œuvre après la cession du manuscrit.

Denis Diderot (1713-1784)
Denis Diderot (1713-1784) |

Bibliothèque nationale de France

En 1761, un édit transfère le privilège de l’édition des Fables de La Fontaine du libraire qui l’avait acheté à deux descendantes de l’écrivain.
En 1777 le Conseil du Roi restitue à la famille de Fénelon le privilège pour l’édition de ses œuvres et déclare que les continuations de privilèges ne pourront être accordées qu’avec l’accord des héritiers. Enfin, deux arrêts du Conseil du 30 août 1777, sur suggestion du roi, forment une sorte de Code de la propriété littéraire et distinguent les droits des libraires, économiques et temporaires, et ceux des auteurs qui sont « une propriété de droit ».
Ainsi se trouvait rattrapé le retard sur certains pays protestants : la Hollande et en particulier l’Angleterre où en 1709 le Copyright Act avait aboli la censure préalable et le privilège perpétuel des libraires, en fondant la notion moderne de propriété littéraire.

Les manuscrits d’écrivains

On a souvent dit qu’après Gutenberg l’imprimé remplace la copie manuscrite, autographe ou non. Ne seraient donc conservés – dans le meilleur des cas – que les inédits.
Jusqu’à la seconde moitié du 18e siècle, les auteurs n’ont guère le souci de sauvegarder leurs manuscrits – seuls les nobles ou les hommes d’Église les conservent parmi leurs archives. C’est le cas notamment de Brantôme, Bossuet, Fénelon, Montesquieu. Par ailleurs, beaucoup d’entre eux tels Voltaire et Montesquieu, dictent leurs œuvres à un secrétaire, de sorte que les manuscrits autographes sont rares. De fait, nous n’avons pas conservé les manuscrits de La Fontaine, de Corneille, de Racine. De Voltaire nous n’avons presque rien.

Les Dialogues ou Rousseau juge de Jean-Jacques
Les Dialogues ou Rousseau juge de Jean-Jacques |

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De l’Esprit des lois
De l’Esprit des lois |

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Brouillons et ratures

Depuis une trentaine d’années, une discipline nouvelle, la génétique textuelle, s’applique à reconstituer la genèse de l’œuvre littéraire à partir des notes préparatoires, des brouillons, des états successifs du texte. Paradoxalement, le premier exemple de génétique textuelle est le travail fourni par les héritiers de Pascal pour reconstituer l’œuvre qu’il préparait au moment de sa mort – une « Apologie de la religion chrétienne » que nous connaissons sous le nom des Pensées.
Or, si Pascal avait terminé et publié son travail, il aurait probablement détruit ses manuscrits. Le contexte de polémique entre jésuites et jansénistes a contribué au zèle avec lequel les hommes de Port-Royal ont voulu sauvegarder la pensée du philosophe, recopiant les fragments laissés par lui dans leur ordre original puis les collant dans de grands registres, dans un ordre qu’on supposait prévu par l’auteur.
De fait, le manuscrit littéraire n’acquiert un statut que très tardivement bien après l’écrivain lui-même. Sa « fétichisation », comme l'écrit Alain Viala, n’intervient que dans les années 1860.

C’est ainsi que Léopold Delisle ne croit pas nécessaire dans son Cabinet des manuscrits de signaler le don du manuscrit des Liaisons dangereuses par la belle-fille de Choderlos de Laclos en 1849. Aujourd’hui ce manuscrit est conservé avec les plus précieux.
Et pourtant, la spécificité du manuscrit littéraire par rapport aux collections généalogiques ou juridiques et aux écrits savants commence à se dessiner au cours du 18e siècle, en même temps que se dégage la visibilité culturelle et sociale de l’écrivain.

Recueil original des Pensées
Recueil original des Pensées |

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Le Rêve de d’Alembert
Le Rêve de d’Alembert |

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Jean-Jacques Rousseau, Choderlos de Laclos et, dans une moindre mesure Diderot, ont conservé leurs autographes pour diverses raisons.
Le manuscrit du prémonitoire Mariage de Figaro, en fait une copie corrigée par Beaumarchais, préfigure symboliquement les temps nouveaux. Son auteur a été un des artisans de la reconnaissance du droit d’auteur

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